Responsabilité Pénale et Civile de l’Administrateur Fiduciaire en Suisse

Un guide complet pour comprendre les risques, les devoirs légaux et les bonnes pratiques d’un administrateur de société anonyme (SA) en Suisse, destiné aux non-spécialistes curieux.


Introduction

La fonction d’administrateur au sein d’une société anonyme (SA) en Suisse revêt une importance majeure et implique des responsabilités nombreuses. Pour un public qui n’est pas forcément rompu aux subtilités du droit des sociétés, ces enjeux peuvent paraître complexes ou même un peu abstraits. Pourtant, la réalité est simple : être administrateur – ou membre du conseil d’administration – vous place dans une position de pouvoir qui s’accompagne de contraintes légales strictes et de risques non négligeables.

L’administrateur fiduciaire, quant à lui, joue souvent un rôle de mandataire : il peut être désigné pour piloter les affaires d’une société, assurer le respect des obligations légales, surveiller la comptabilité et conseiller la direction. En Suisse, nombre de petites et moyennes entreprises (PME) choisissent d’externaliser une partie ou la totalité de leur gouvernance en faisant appel à un fiduciaire, qui agit parfois comme administrateur formel. Or, assumer ce mandat d’administrateur ne se résume pas à figurer sur un registre : la loi impose une vigilance et une diligence accrues, d’autant plus que certaines tâches du conseil d’administration (CA) sont dites “intransmissibles” et “inaliénables”. En d’autres termes, ce n’est pas parce que vous déléguez au quotidien l’exécution des tâches à un employé ou à un tiers que vous pourrez échapper à votre responsabilité si des manquements sont commis.

Dans cet article, nous allons détailler :

  1. Le rôle et la mission du conseil d’administration dans le cadre légal suisse (Code des obligations).

  2. Les obligations “intransmissibles et inaliénables” que les administrateurs doivent impérativement remplir.

  3. Les différentes formes de responsabilité pénale auxquelles un administrateur peut faire face (gestion déloyale, banqueroute, faux dans les titres, infractions fiscales et sociales, etc.).

  4. Les responsabilités civiles et fiscales : comment un administrateur peut répondre de sa poche en cas de dettes sociales, d’impôts impayés, ou de fautes commises dans l’exercice de ses fonctions.

  5. Des exemples concrets de condamnations d’administrateurs, y compris de fiduciaires, pour illustrer la réalité des risques.

  6. Les bonnes pratiques et précautions à prendre pour exercer ce mandat en toute sécurité, notamment en termes de délégation, de surveillance, de comptabilité et de reporting.

  7. Le cas particulier des contraventions liées aux véhicules d’entreprise, afin de voir comment l’administrateur peut se trouver impliqué même pour des infractions routières commises par des employés.

L’objectif est d’offrir un panorama complet, en langage accessible, pour un public de non-initiés mais désireux de comprendre les enjeux concrets. Nous verrons que la responsabilité d’un administrateur va bien au-delà d’une fonction formelle : c’est un véritable engagement personnel, pouvant déboucher sur des conséquences financières et pénales lourdes si l’on gère mal son mandat.


1. Rôle et responsabilités du conseil d’administration en Suisse

1.1 Le socle légal : le Code des obligations

En Suisse, le conseil d’administration (CA) constitue l’organe de direction suprême d’une SA. Le Code des obligations (CO) décrit en détail ses compétences et obligations. Le CA :

  • Définit la stratégie de l’entreprise et oriente son développement.

  • Surveille la gestion quotidienne, que ce soit assurée par des directeurs internes ou par un fiduciaire mandaté.

  • Représente la société vis-à-vis des tiers (signature, conclusion de contrats, etc.).

  • Fait respecter les lois et les statuts, en rendant compte à l’assemblée générale (AG) des actionnaires et en préparant les rapports annuels.

L’assemblée générale élit les membres du CA, lesquels doivent exercer leur mission avec loyauté et diligence. Même si le CA s’organise librement (président, vice-président, etc.), tous les membres partagent la responsabilité globale. Le législateur insiste sur l’idée que les administrateurs agissent dans l’intérêt social (de la société), et non dans leur intérêt individuel ou celui d’un actionnaire majoritaire particulier.

1.2 Responsabilité collective et individuelle

Une caractéristique notable du droit suisse est la notion de responsabilité collective des administrateurs. La responsabilité peut toutefois s’appliquer aussi individuellement, si un administrateur a commis une faute spécifique. Dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, l’administrateur doit se conformer à un standard de “diligence d’un bon gestionnaire”. Négliger cette diligence peut entraîner des sanctions au civil et, dans des cas graves, au pénal.

Il est crucial de comprendre que la responsabilité du CA n’est pas seulement morale, mais elle est inscrite dans le droit. Les administrateurs ne peuvent se soustraire à leurs obligations légales en prétendant ignorer la gestion courante ou en déléguant intégralement leurs pouvoirs. Le droit suisse affirme que certaines tâches sont intransmissibles, précisément pour s’assurer que le conseil assume un rôle actif et non pas purement formel.


2. Les attributions intransmissibles et inaliénables du conseil

Pour éviter qu’un conseil d’administration ne serve de “paravent” permettant à quelques personnes ou à un gérant de fait de prendre toutes les décisions sans contrôle, la loi (article 716a du CO) liste des compétences fondamentales que le CA ne peut pas déléguer. Ces tâches incluent notamment :

  • La haute direction de la société et l’établissement de lignes directrices claires pour la conduite des affaires (stratégie générale).

  • La fixation de l’organisation interne (organigramme, règlements, définition des pouvoirs et des niveaux de signature).

  • L’établissement de la comptabilité, du contrôle financier et de la planification financière.

  • La nomination et la révocation des personnes en charge de la gestion et de la représentation.

  • La haute surveillance sur ces personnes chargées de la gestion, afin de vérifier qu’elles respectent les lois, les statuts et les instructions du CA.

  • L’établissement du rapport de gestion (comptes annuels, rapport annuel), la préparation de l’AG et l’exécution de ses décisions.

  • En cas de crise : solliciter un sursis concordataire ou informer le tribunal en situation de surendettement.

  • Pour les sociétés cotées, l’établissement du rapport de rémunération annuel.

Ces compétences, dites “intransmissibles”, protègent l’intérêt de la société et garantissent un niveau minimal de contrôle par le conseil. En pratique, cela signifie que le CA doit, au moins :

  1. Participer activement à l’élaboration de la stratégie et veiller à la cohérence de l’organisation.

  2. Définir les grands principes de comptabilité et surveiller la trésorerie, les flux de fonds, le paiement des charges.

  3. Contrôler le travail des dirigeants ou directeurs, en exigeant des rapports périodiques, en vérifiant la bonne exécution des tâches confiées.

  4. Agir rapidement en cas de risques majeurs (faillite imminente, conflits, litiges, etc.).

Concrètement, même si la tenue quotidienne de la comptabilité est confiée à une fiduciaire, le CA ne peut pas ignorer ce qui s’y passe. Il doit s’assurer que les comptes sont réguliers, que les obligations fiscales et sociales sont payées, et que l’entreprise n’est pas en surendettement. Si un administrateur laisse tout faire sans se renseigner, il s’expose à des ennuis en cas d’irrégularités découvertes ultérieurement.


3. La responsabilité pénale de l’administrateur en Suisse

3.1 Les grandes infractions du Code pénal

Un administrateur peut être poursuivi pénalement pour diverses infractions si son comportement, ou l’absence de surveillance adéquate, a favorisé des faits répréhensibles. Parmi les infractions courantes :

  • Gestion déloyale : détournement d’actifs, utilisation frauduleuse des biens de la société, conflits d’intérêts non déclarés, etc.

  • Abus de confiance : usage illicite de fonds qui ne vous appartiennent pas (par exemple des cotisations retenues sur salaire).

  • Banqueroute frauduleuse : organisation volontaire de l’insolvabilité de la société pour échapper aux créanciers.

  • Faux dans les titres : falsification de documents officiels, bilans truqués, altération de pièces comptables.

  • Escroquerie : manœuvres frauduleuses pour tromper des investisseurs, le fisc ou les créanciers afin d’obtenir un avantage financier.

Si un administrateur a participé activement à l’une de ces infractions ou s’il les a couvertes (en fermant les yeux sur des opérations visiblement douteuses), il encourt des peines allant de l’amende à l’emprisonnement, selon la gravité des faits et le montant du dommage.

3.2 Les délits en cas de faillite

Le droit pénal punit spécifiquement certains comportements autour d’une entreprise en faillite :

  • Banqueroute (art. 163 du Code pénal) : dissimulation d’actifs, exagération de passif, manipulation comptable pour tromper les créanciers.

  • Fausse comptabilité (art. 166 du Code pénal) : altération intentionnelle des livres pour masquer la situation réelle.

En tant qu’administrateur, vous êtes responsable de vous assurer que la comptabilité reflète sincèrement l’état financier de l’entreprise. Laisser les comptes dans un désordre tel qu’ils deviennent volontairement trompeurs peut constituer une infraction. De même, ne pas agir en cas de suren­dettement (par exemple, en ne convoquant pas l’assemblée générale ou en omettant d’informer le juge) peut entraîner des poursuites.

3.3 Infractions en matière de cotisations sociales et d’assurances

Les administrateurs sont particulièrement exposés lorsque la société omet de s’acquitter des cotisations sociales (AVS, LPP, etc.). Prélever des cotisations sur les salaires puis ne pas les reverser constitue un délit qui peut être assimilé à un “abus de confiance”. Le législateur protège les employés et considère que l’argent retenu sur leur salaire leur appartient en quelque sorte : le détourner crée un préjudice grave.

En droit suisse, l’article 87 de la Loi sur l’AVS punit le fait de ne pas s’affilier à la caisse AVS ou de ne pas lui verser les cotisations obligatoires. Dans des cas répétés ou volontaires, la justice peut prononcer des peines pouvant aller jusqu’à plusieurs mois de prison (généralement assorties de sursis) ou des jours-amende.

Pour un administrateur fiduciaire, cette responsabilité est cruciale. Il est censé être le garant du respect des obligations administratives et de la bonne gestion de la trésorerie. Ne pas payer l’AVS ou la LPP en temps voulu, sans raison valable, représente un risque pénal direct.

3.4 Infractions fiscales graves

Les infractions fiscales simples sont souvent traitées par des amendes administratives. En revanche, si la fraude fiscale est lourde et intentionnelle (par exemple, production de faux bilans ou dissimulation de montants considérables pour éluder l’impôt ou la TVA), l’administration fiscale peut saisir le ministère public. L’administrateur incriminé s’expose alors à des poursuites pénales pour escroquerie en matière de contributions, pouvant mener à des peines d’emprisonnement et à des sanctions financières significatives.

Il est primordial de noter que dans un contexte suisse, la frontière entre amendes administratives et sanctions pénales se franchit rapidement si l’on démontre l’intention délibérée de tromper le fisc. Toute manipulation comptable ou mensonge systématique sur les revenus de la société place l’administrateur en situation d’infraction, surtout lorsqu’il en est l’auteur ou le complice.

3.5 Infractions au droit public spécifique

Outre le Code pénal, la Suisse dispose d’une multitude de lois spéciales (loi sur les banques, loi sur les assurances, législation environnementale, etc.). Un administrateur qui autorise ou tolère l’usage illégal de dénominations protégées (comme le mot “banque” ou “assurance” dans la raison sociale), ou qui contrevient aux normes imposées par les autorités de surveillance (par ex. FINMA), peut être poursuivi pénalement.

Même si ces cas paraissent rares, ils existent : il suffit parfois de mentionner, dans des documents promotionnels, un titre réservé (“banque”, “université”) sans en avoir le droit pour faire l’objet d’une plainte de l’autorité compétente. L’administrateur sera jugé responsable s’il a validé ou laissé faire ces pratiques.


4. La responsabilité civile et fiscale de l’administrateur

4.1 La responsabilité civile (art. 754 CO)

Au-delà du risque pénal, un administrateur peut être poursuivi civilement pour avoir causé un dommage à la société, aux actionnaires ou aux créanciers. L’article 754 du CO prévoit que les membres du CA répondent des pertes infligées par une violation fautive de leurs devoirs. L’intention n’est pas obligatoire : la simple négligence peut suffire à engager la responsabilité civile.

Exemple : un administrateur omet sciemment de contrôler les finances, permettant à un gérant malhonnête de piocher dans la caisse de l’entreprise. Même s’il n’a pas lui-même détourné de l’argent, l’administrateur peut être tenu pour responsable de sa négligence et devoir indemniser la société ou les créanciers (dont les fonds ont été perdus).

4.2 Les dettes sociales : responsabilité subsidiaire

En droit suisse, si une SA ne paie pas ses cotisations AVS, la caisse de compensation peut se retourner directement contre les administrateurs pour réclamer les sommes dues. De nombreuses jurisprudences du Tribunal fédéral ont confirmé cette responsabilité “subsidiaire” : d’abord, la caisse tente de récupérer auprès de la société ; si celle-ci est en faillite ou insolvable, elle cible les administrateurs.

Un administrateur peut donc être condamné à titre personnel à verser des dizaines ou des centaines de milliers de francs de cotisations sociales impayées. Il n’y a pas besoin de prouver la malhonnêteté de l’administrateur : la simple preuve qu’il a manqué de diligence dans la gestion suffit.

4.3 Responsabilité pour impôts (TVA, impôt à la source, etc.)

Le schéma est similaire pour les dettes fiscales : un administrateur qui a laissé la société accumuler des impôts ou de la TVA impayés, alors qu’il aurait dû s’en préoccuper, risque d’être poursuivi personnellement par les autorités fiscales. Ceci peut se produire si les services fiscaux prouvent que l’administrateur s’est rendu coupable d’une faute grave (dissimulation, inaction flagrante, etc.).

Encore une fois, la logique du législateur est de protéger les créanciers publics (fisc, assurances sociales) en ne permettant pas à la “coquille vide” d’une SA de servir d’écran. Si la société ne paie pas, on se tourne vers ceux qui avaient le pouvoir de prévenir les impayés et qui auraient dû agir.

4.4 Autres aspects (poursuites, responsabilité environnementale, interdictions d’exercer)

Outre les aspects pénaux et civils, un administrateur peut subir :

  • Des frais de procédure s’il est jugé pour mauvaise gestion.

  • Une interdiction d’exercer prononcée par la FINMA ou d’autres autorités, dans les milieux régulés (finance, banque, assurance).

  • Des effets sur sa réputation et sa carrière : être condamné peut ruiner la confiance dont jouit un fiduciaire ou un dirigeant.

Dans tous les cas, accepter un mandat d’administrateur engage la personne à répondre de ses actes (ou de ses manquements) sur le plan personnel, sans pouvoir se réfugier derrière la personnalité morale de la société.


5. Exemples concrets de condamnations d’administrateurs en Suisse

5.1 Non-paiement des charges sociales

Des arrêts célèbres du Tribunal fédéral ont condamné un président de conseil d’administration à rembourser personnellement les cotisations AVS non acquittées par son entreprise en faillite. La caisse de compensation, ne pouvant plus récupérer l’argent auprès de la société, a assigné l’administrateur en justice. Les juges ont estimé qu’il avait failli à ses obligations de surveiller la bonne exécution des paiements. Il a dû payer sur son patrimoine privé des sommes parfois très élevées.

5.2 Fraude à la TVA

Un dirigeant ayant éludé la TVA pour des montants importants s’est vu infliger des amendes cumulées de plusieurs millions de francs. Les tribunaux ont conclu que les fausses déclarations de TVA étaient volontairement frauduleuses. L’administrateur n’a pas pu se disculper en affirmant qu’il ignorait les pratiques de facturation : il avait la responsabilité de vérifier ou de questionner les chiffres suspects.

5.3 Usage de termes réservés

Certaines fiduciaires, mandatées pour administrer des sociétés financières, ont été poursuivies pour usage illicite du mot “banque” dans des communications. Malgré les protestations d’“erreur de bonne foi”, la justice a retenu une infraction à la loi sur les banques : la société n’avait pas l’agrément nécessaire pour s’appeler “banque”. L’administrateur a subi une peine pécuniaire ainsi qu’une injonction de supprimer le terme fautif.

5.4 Défaut de signaler des fonds suspects

Un administrateur fiduciaire a omis de communiquer aux autorités des soupçons de blanchiment d’argent. Gérant des comptes où transitaient des sommes d’origine douteuse, il n’a pas respecté l’obligation de diligence en matière de lutte contre le blanchiment. Le tribunal l’a condamné, même s’il n’avait pas organisé lui-même le blanchiment : sa faute a été de ne pas donner l’alerte, contrairement aux prescriptions légales sur les intermédiaires financiers.

Dans tous ces exemples, la même logique s’applique : un administrateur ne peut rester passif ou se reposer entièrement sur d’autres. Lorsqu’un problème grave survient (comptes falsifiés, fonds non déclarés, terminologie interdite, etc.), il doit agir ou au moins s’enquérir de la situation. Faute de quoi, sa responsabilité personnelle est mise en cause.


6. Bonnes pratiques et précautions pour l’administrateur fiduciaire

6.1 Déléguer intelligemment, mais ne pas déléguer aveuglément

La délégation est souvent indispensable dans une PME. Un directeur opérationnel, un comptable, une fiduciaire peuvent gérer la majeure partie de la comptabilité, des déclarations fiscales, de la paie. Toutefois, le conseil d’administration doit :

  • Clarifier précisément les compétences déléguées : quels pouvoirs, quelles limites, quels seuils de paiement ?

  • Mettre en place un système de reporting : exigence de rapports financiers réguliers (mensuels, trimestriels), comptes-rendus d’activité.

  • Conserver la surveillance finale : le CA doit lire ces rapports, poser des questions, vérifier la cohérence des chiffres, et si nécessaire demander des audits.

En cas de suspicion de fraude ou de difficulté financière (par exemple, salaires impayés, créances douteuses), l’administrateur ne doit pas “fermer les yeux” mais intervenir et exiger des éclaircissements. S’il omet de le faire, la loi considère qu’il cautionne tacitement ces manquements.

6.2 Contrôler la trésorerie et le paiement des charges sociales

Un point névralgique de la gestion d’une SA est le paiement des charges sociales et fiscales. Il est conseillé à tout administrateur fiduciaire :

  1. De s’assurer que les cotisations AVS (part employé et employeur) sont régulièrement réglées.

  2. De suivre la TVA : vérifier que la société déclare correctement son chiffre d’affaires, surtout si elle fait l’objet d’un régime de paiement trimestriel ou semestriel.

  3. De maintenir un système d’alerte : toute lettre de la caisse de compensation (rappel, mise en demeure) doit remonter sans délai au CA, afin d’éviter une accumulation de dettes.

Une bonne pratique consiste à exiger que toute facture de charges sociales, ou tout relevé final, soit porté à la connaissance de l’administrateur ou d’un délégué du CA. Cette exigence peut figurer dans un contrat de prestation établi avec la fiduciaire.

6.3 Établir un organigramme clair et des règlements internes

Pour garantir une bonne répartition des tâches, le CA rédige généralement un règlement d’organisation : qui s’occupe de quoi ? Qui signe à quel niveau ? Les décisions financières d’un certain montant doivent-elles être validées par le CA ou par un comité de direction ? Ce règlement :

  • Facilite le quotidien en donnant une vision structurée des processus.

  • Protège les administrateurs, car en cas de litige, ils peuvent prouver avoir défini et communiqué des règles de contrôle.

  • Évite le flou : si personne ne sait qui doit payer les cotisations AVS, il est facile que plus rien ne soit payé.

6.4 Documenter les décisions du conseil

Le conseil d’administration doit se réunir à intervalles réguliers (au minimum une fois par an, souvent plus fréquemment dans les PME). Il est recommandé de rédiger un procès-verbal de chaque séance, consignant les décisions clés. Cette documentation sert de preuve en cas de litige, montrant que le CA a abordé les sujets importants, pris connaissance des comptes, vérifié les débiteurs, etc.

6.5 Se tenir informé et se former

Le droit des sociétés évolue, les exigences comptables ou fiscales également. Un administrateur consciencieux :

  • Suit des formations ou lit des publications spécialisées pour rester à jour sur ses obligations légales.

  • Échange avec d’autres professionnels (avocats, experts-comptables) afin de valider les pratiques de l’entreprise.

  • Surveille les changements législatifs (par exemple les nouvelles directives en matière de TVA, d’AVS, de droit du travail).

Cette démarche proactive évite de commettre des erreurs involontaires qui, malgré la bonne foi, peuvent être lourdement sanctionnées.


7. La responsabilité de l’administrateur face aux contraventions des véhicules d’entreprise

7.1 Le principe : la faute incombe au conducteur

Quand un employé ou un dirigeant commet une infraction routière au volant d’un véhicule de société, c’est normalement la personne au volant qui doit payer l’amende. Cependant, les autorités se tournent souvent vers le détenteur officiel du véhicule (l’entreprise elle-même) pour demander l’identité du conducteur. Si la société ne coopère pas ou prétend ignorer qui utilisait le véhicule, elle risque des sanctions (souvent administratives).

7.2 Implication de l’administrateur

Comment l’administrateur peut-il se retrouver en cause ?

  • S’il refuse systématiquement de collaborer avec la police ou le Service des automobiles, en refusant de nommer le conducteur.

  • S’il tolère que les amendes routières soient payées par la société, au bénéfice de dirigeants ou d’employés qui auraient dû les régler sur leurs fonds propres. Cela peut être vu comme un “usage abusif” du patrimoine social.

  • S’il n’organise aucun suivi de la flotte de véhicules, créant un flou complet quant à l’identité des conducteurs.

Dans ces configurations, un administrateur peut être accusé de négligence ou d’abus de gestion. Par exemple, si l’on constate que des amendes s’accumulent pour excès de vitesse, que la société les paie sans broncher et que personne ne sait quel collaborateur conduisait, les autorités ou les organes de révision pourraient mettre en cause le CA pour défaut de contrôle.

7.3 Conseils pratiques

  • Tenir un registre des véhicules : qui conduit tel véhicule, à quelle date, pour quelle mission ?

  • Imputer les amendes à la personne concernée : afin d’éviter des frais injustifiés pour la société.

  • Coopérer avec les autorités : en cas de demande de renseignements, fournir rapidement l’identité du conducteur.

  • Former les conducteurs : rappeler que toute infraction routière entraîne un risque pour le permis et que l’entreprise n’est pas là pour éponger ces amendes “personnelles”.

Cette attention aux détails peut paraître secondaire, mais elle s’inscrit dans le devoir de diligence d’un administrateur, spécialement lorsque l’entreprise possède plusieurs véhicules.


8. Conclusion : inaliénabilité des devoirs et nécessité de vigilance

8.1 L’esprit de la loi suisse

La législation helvétique sur les sociétés anonymes et le statut d’administrateur est conçue pour protéger les tiers (créanciers, employés, État, actionnaires minoritaires) et préserver la confiance dans le tissu économique. Les administrateurs disposent d’un pouvoir de décision considérable ; en conséquence, la loi leur impose une responsabilité lourde.

Les tâches dites “intransmissibles et inaliénables” sont au cœur de ce dispositif : elles garantissent que le CA exerce une “haute direction” sans se contenter d’un rôle purement symbolique. Un administrateur qui accepterait ce mandat juste pour faire plaisir à un ami ou pour toucher des honoraires, sans s’investir, s’expose à des ennuis graves si la société dérape.

8.2 Risques réels, sanctions potentiellement sévères

Au fil de l’article, nous avons montré comment la responsabilité pénale peut se concrétiser en cas de gestion déloyale, de banqueroute frauduleuse, d’escroquerie fiscale ou de non-paiement des charges sociales. La sanction la plus courante est pécuniaire (amende, peine pécuniaire convertible), mais des peines de prison existent pour les cas extrêmes.

La responsabilité civile expose l’administrateur à devoir rembourser les dommages subis par la société ou les créanciers, parfois pour des montants considérables. Les dettes sociales et fiscales peuvent frapper directement l’administrateur si la société est insolvable.

Ces risques sont d’autant plus lourds si l’administrateur occupe aussi un rôle de fiduciaire, car il se présente comme un professionnel de la comptabilité et de la gestion : on attend alors de lui une expertise et une rigueur accrues.

8.3 Déléguer, mais dans un cadre contrôlé

La délégation est possible et souvent inévitable (tenue des comptes, déclarations fiscales, gestion RH, etc.). Toutefois, le CA doit rester aux commandes en :

  • Exigeant des reportings périodiques,

  • Vérifiant la régularité des paiements,

  • Instaurant un contrôle interne minimal,

  • Intervenant rapidement en cas d’indice de mauvaise gestion,

  • Prenant des décisions (notamment en situation de crise) pour éviter que l’entreprise sombre en ignorant les signaux d’alerte.

8.4 Un mandat engageant, mais gérable

Pour conclure, être administrateur d’une SA en Suisse, et plus encore administrateur fiduciaire, n’est pas un simple “titre honorifique”. C’est une position de confiance, assortie de prérogatives et d’obligations légales substantielles. Les peines encourues en cas de faute démontrent que le droit suisse ne tolère pas l’insouciance ou la passivité dans l’exercice de ce mandat.

Néanmoins, une gestion consciencieuse, structurée, avec un suivi financier rigoureux et une bonne communication entre les différents intervenants (directeurs, fiduciaires externes, comptables, avocats) permet d’exercer ces fonctions sereinement. La clé réside dans la vigilance et la transparence : savoir déléguer intelligemment, tout en restant “aux manettes”, et en s’assurant que les obligations légales (fiscales, sociales, etc.) sont régulièrement remplies.

À l’heure où la réglementation devient toujours plus complexe (notamment dans le secteur financier ou pour les entreprises actives à l’international), l’administrateur qui cultive cette culture de conformité et de prudence protège non seulement la société et ses employés, mais aussi sa propre responsabilité.


Sources (liens à consulter)

Sources :

  1. Comptabilité tronquée
  2. (Comptabilité tronquée).

Ces références soulignent toutes l’importance pour les administrateurs de comprendre l’étendue de leurs devoirs légaux et les conséquences en cas de manquement.

(Fin de l’article)